VII. Domaines de résultats et objectifs d’impact

Les domaines de résultats sont les domaines de focalisation prioritaire sur la période couverte par le plan stratégique. Ils représentent les accomplissements clés requis pour se rapprocher d’une concrétisation de la vision d’APC compte tenu des contextes actuel et anticipé.

Les objectifs d’impact [13] sont l’accumulation des résultats désirés requise d’ici à la fin 2023 pour se rapprocher d’une concrétisation du changement voulu pour chaque résultat organisationnel.

  • Résultat 1 : Le pouvoir collectif des communautés au sein et au-delà du réseau d’APC est renforcé par les relations nouvelles et existantes construites autour d'actions transformatives et de nos visions communes.

  • Résultat 2 : Les personnes affectées par l'exclusion, la discrimination et les inégalités sont capables d'utiliser et de façonner significativement l'internet et les technologies numériques pour répondre à leurs besoins spécifiques.

  • Résultat 3 : Les femmes et les personnes de la diversité sexuelle et de genre participent à façonner et co-créer internet et des technologies numériques reflétant et répondant aux réalités qu'elles vivent.

  • Résultat 4 : Les personnes, en particulier celles qui subissent la discrimination et l'oppression, sont davantage en capacité et autonomes, via les technologies numériques, dans l’exercice complet de leurs droits humains en ligne comme hors ligne.

  • Résultat 5 : L’internet est reconnu et régi tel un bien public mondial d'une façon inclusive, transparente, démocratique et responsable.

  • Résultat 6 : L'action collective et l'activisme d'APC contribuent à la justice environnementale et à la préservation de la Terre, et atténuent les impacts environnementaux négatifs d'internet, des technologies numériques et de l'économie numérique.

Résultat 1 : Le pouvoir collectif des communautés [14] au sein et au-delà du réseau d’APC est renforcé par les relations nouvelles et existantes construites autour d’actions transformatives et de nos visions communes.
Raisonnement/Définitions

Le réseau d’APC est la ressource la plus importante que nous avons pour accomplir les transformations auxquelles nous aspirons. Nous donnons la priorité à notre réseau mais reconnaissons que nous faisons partie d’un effort de travail collectif en vue d’une transformation. Les partenariats et alliances des communautés élargies avec lesquelles nous collaborons sont des éléments critiques pour le renforcement des mouvements dont nous faisons partie. Celles-ci incluent, entre autres, les communautés travaillant pour la justice environnementale et la durabilité, les réseaux communautaires et à accès local, l’activisme pour les droits sexuels et numériques, l’internet féministe, la technologie et les infrastructures alternatives. Cette communauté étendue de réseaux est une ressource dont les facultés augmentent lorsque nous prenons le temps d’apprendre les un·s des autres et de nous renforcer mutuellement. Nous devons alimenter les transformations auxquelles nous aspirons par le soin personnel et collectif et par un engagement renouvelé envers notre contribution à la justice sociale et environnementale et aux droits humains.

Objectifs d'impact
  1. Des communautés et mouvements diversifiés sont interconnectés et mobilisés grâce à des connaissances partagées, des plateformes et des actions collectives.

  2. APC et ses membres ont la capacité institutionnelle d’encourager la collaboration et de stimuler l’engagement au sein de ses communautés.

Résultat 2 : Les personnes affectées par l'exclusion, la discrimination et les inégalités sont capables d'utiliser et de façonner significativement l’internet et les technologies numériques pour répondre à leurs besoins spécifiques.
Raisonnement/Définitions

L’exclusion numérique se rapporte aux barrières socioéconomiques structurelles, à l’accès individuel comme collectif et aux capacités qu’ont les personnes de bénéficier d’internet et des technologies numériques pour améliorer leurs vies. Les modèles économiques et de régulation actuels exacerbent les inégalités, la pauvreté et la discrimination. Ils amplifient de différentes façons les relations de pouvoir inégalitaires. Il est nécessaire d’élargir le focus au-delà de l’accessibilité des infrastructures de connexion et de mettre en place des conditions (politiques, de régulation, techniques et financières) qui augmentent globalement l’autonomie, le pouvoir et les choix individuels comme collectifs des personnes sur leur façon de se connecter aux technologies et espaces numériques et de les utiliser, les façonner, les influencer ou les créer une fois connectées.

Des approches, cadres et solutions alternatives et complémentaires sont nécessaires pour provoquer des changements dans le domaine de la fourniture de service abordable, la capacité technique et humaine à déployer et gérer des réseaux possédés localement, et la capacité à développer et utiliser les applications et les contenus efficacement. Des interventions holistiques sont nécessaires pour atténuer les barrières politiques, économiques, sociales et culturelles qui empêchent la population de bénéficier pleinement de la société et de l’économie numériques. Ceci inclut l’accès à une technologie numérique ouverte et des espaces libres de censure, de surveillance, de harcèlement et de toute autre forme de violation des droits humains.

Les stratégies d’APC prouvent la validité d’un changement de politiques et de régulations. Elles améliorent la compréhension et le soutien des groupes communautaires (particulièrement les femmes), des organisations de développement, de la société civile, des médias et du secteur privé vis-à-vis du potentiel qu’ont les initiatives locales à petite échelle pour répondre aux besoins en information et en communication des personnes pas ou à peine connectées. APC travaille aussi pour convaincre les décisionnaires politiques et les régulateurs·trices de permettre l’accès pubic et le partage d’infrastructure, d’améliorer l’utilisation du spectre radiofréquence et des données ouvertes du secteur des télécommunications, et de limiter la concentration et la possession par un petit nombre de multinationales.

Objectifs d'impact
  1. Des technologies et plateformes libres, ouvertes et durables sont développées, façonnées et utilisées pour s’attaquer au problème de l’exclusion numérique.

  2. Des modèles économiques inclusifs, équitables et justes qui sont orientés vers l’inclusion numérique sont reconnus, mis en œuvre et adoptés en tant que solutions viables et durables permettant un accès et des services universels et abordables.

  3. Les individus et les groupes, et en particulier les femmes, à la pointe concernant l’inclusion numérique, voient leur capacité d’action et leurs ressources augmentées en vue de créer et répondre à la demande de modèles alternatifs.

Résultat 3 : Les femmes et les personnes de la diversité sexuelle et de genre participent à façonner et co-créer internet et des technologies numériques reflétant et répondant aux réalités qu'elles vivent.
Raisonnement/Définitions

Le contrecoup qui frappe les avancées en terme d’égalité de genre est subi le plus durement par les femmes et les personnes de la diversité sexuelle et de genre. Les menaces contre les féministes qui s’organisent en ligne comme hors ligne s’étendent et prennent de nouvelles formes, permettant des agressions par un éventail d’acteurs tels que des États, des structures religieuses fondamentalistes et des entreprises privées, qui trouvent de plus en plus un but commun à rétrécir les notions de moralité, de famille et d’« égalité ». Ces menaces se manifestent souvent sous forme de violence genrée ciblée en ligne, intimement liée aux espaces hors ligne et au rôle double de la censure et de la surveillance genrée qui facilitent cette violence.

À côté de ceci, la collecte de données croissante et la transformation généralisée d’informations en données (la « datafication ») touchent de façon inégale l’autonomie, la vie privée et les moyens de subsistance des femmes et des personnes de la diversité sexuelle et de genre. Les stéréotypes liés au genre, aux origines ethniques, à la classe sociale et au handicap sont incrustés dans la technologie et dans les processus et algorithmes qui dépendent des données. Ces données sont utilisées par les entreprises et les gouvernements pour faire du profilage, ce qui soulève des questions de vie privée et d’autonomie réduite, particulièrement pour les personnes marginalisées sur la base de la sexualité, du genre ou d’autres catégories. Il est aussi troublant que malgré les changements dans les formes d’emploi et de travail à l’ère numérique, le travail genré ou féminisé continue à être dévalué.

Les Principes féministes de l’internet (PFI), développés collaborativement, constituent le cadre de réflexion sur lequel se base le travail d’APC sur le féminisme, les droits des femmes, la sexualité et la technologie. L’internet féministe en vue duquel nous travaillons est un internet dans lequel les femmes et personnes de la diversité sexuelle et de genre peuvent accéder à et profiter d’un internet libre et ouvert pour exercer leur pouvoir d’agir et leur autonomie, construire une force collective, renforcer les mouvements et transformer les relations de pouvoir pour une justice sexuelle et de genre. Pour parvenir à cela, nous devons interroger la façon dont les systèmes d’oppression tels que le sexisme, le racisme, l’oppression de classe, le validisme et l’injonction à l’hétérosexualité s’entrecroisent et ont des répercussions sur les gens.

Objectifs d’impact
  1. Les idées, compétences, processus et espaces pour s’organiser collectivement et développer des stratégies en vue d’un internet féministe et durable sont créés et soutenus.

  2. Les discussions et décisions concernant la politique d’internet intègrent et reflètent les perspectives des femmes et des personnes de la diversité sexuelle et de genre.

  3. Une augmentation des ressources financières et de la diversité d’acteurs et d’actrices travaillant à un internet féministe, y compris celles et ceux travaillant à un développement technologique féministe.

Résultat 4 : Les personnes, en particulier celles qui subissent la discrimination et l'oppression, sont davantage en capacité et autonomes, via les technologies numériques, dans l’exercice complet de leurs droits humains en ligne comme hors ligne.
Raisonnement/Définitions

Les droits humains font partie intégrante de l’autonomisation humaine et de la progression de la justice sociale. Les technologies et espaces numériques ont changé la façon dont nous exerçons nos droits en ligne et hors ligne. D’un côté, les technologies et espaces numériques sont devenus essentiels dans la mobilisation et le plaidoyer, alors que d’un autre côté ils ont ouvert la voie à de nouvelles formes d’agressions avec des conséquences d’une portée considérable. Devenant de plus en plus répandues et déployées de façon généralisée dans la société, les technologies numériques affectent une large gamme de droits allant des libertés d’expression, de réunion, d’association et de vie privée aux droits économiques, sociaux et culturels tels que les droits au travail, à l’éducation et à la culture. Alors que les fractures numériques s’élargissent, les gens dépendent des technologies numériques pour participer aux processus démocratiques et accéder aux services publics. La numérisation de la vie personnelle, combinée à l’exploitation des données personnelles, pose de profonds risques pour les droits des personnes, y compris pour leur droit à la non-discrimination.

Les droits humains doivent être au centre du développement, du déploiement, de l’utilisation et de la régulation d’internet et des technologies numériques. Le focus pour ce plan stratégique est de s’assurer que les personnes sont en mesure d’exercer leurs droits, y compris en faisant progresser les standards des droits humains et leur mise en œuvre en vue de rendre les États responsables des formes nouvelles et émergentes de violation. Reconnaissant que le paysage de la protection et de la promotion des droits humains a changé et que le secteur privé arbitre beaucoup de nos droits, nous allons augmenter notre activité de plaidoyer visant à remettre en cause la place du secteur privé et à tenir les entreprises pour responsables.

Objectifs d’impact
  1. La population et les organisations de la société civile tiennent les États et le secteur privé pour responsables des violations de droits.

  2. Les normes, standards et régulations se rapportant à internet et aux technologies et espaces numériques font progresser les droits humains en ligne et hors ligne.

  3. Les gouvernements promeuvent, protègent et respectent les droits humains et remplissent leurs obligations, y compris en s’attaquant aux violations perpétrées par le secteur privé.

Résultat 5 : L’internet est reconnu et régi tel un bien public mondial [15] d'une façon inclusive, transparente, démocratique et responsable.
Raisonnement/Définitions

Le caractère public d’internet est au cœur des luttes de pouvoir dans l’écosystème de la gouvernance de l’internet. La montée en puissance et la consolidation des plateformes d’entreprises multinationales sur internet ainsi que la tendance des États à contrôler l’espace numérique de façon autoritaire ont mené a une érosion du caractère public d’internet et des communs numériques mondiaux. Les modèles d’affaires basés sur internet, les monopoles du secteur privé et les manières sophistiquées avec lesquelles l’internet et les technologies numériques sont développées dans un but lucratif sont contraires à l’intérêt général, au développement économique équitable et à l’exercice des droits humains.

Le pouvoir du secteur privé sur le domaine public exercé par les multinationales opérant sur internet telles que Facebook, Google et Twitter et se basant sur la collecte et le profit tiré des données personnelles ont fait croitre le capitalisme de surveillance. Les grandes plateformes technologiques sont devenues des institutions gouvernantes [16] qui pataugent souvent pour concevoir et mettre en place des politiques de contenu et des standards communautaires qui respectent les normes en termes de droits humains et les standards en termes de transparence et de responsabilité. Parallèlement, les tentatives des États pour policer les espaces numériques mènent à une dérive sécuritaire de la politique d’internet.

Il y a besoin d’un engagement continu au sein des processus liés à la gouvernance de l’internet afin de remettre en cause le pouvoir des entreprises et de mettre en exergue le rôle que jouent les gouvernements dans la responsabilisation des entreprises privées. Les points de vue, voix et intérêts des personnes qui font face à la discrimination structurelle et à l’oppression sont nécessaires pour repousser la prise de pouvoir du secteur privé et le contrôle étatique, et pour remettre en cause la dérive sécuritaire de l’internet. Cependant, un engagement efficace dans la gouvernance de l’internet et dans les processus et espaces liés aux politiques de l’internet aux échelles nationale, régionale et internationale, devient trop onéreux ou restreint pour les acteurs et actrices de la société civile. Parallèlement, les processus et forums multipartites perdent de leur soutien et de leur ampleur. Il y a un besoin urgent de plaider plus fortement pour des processus et mécanismes de gouvernance de l’internet plus inclusifs, transparents, accessibles et responsables, et pour une reconnaissance de la valeur qu’ont les voix de la société civile dans la conduite des conversations et réponses politiques nationales, régionales et internationales.

Objectifs d’impact
  1. Les individus et les organisations de la société civile s’impliquent significativement et influencent les processus politiques, de régulation et de gouvernance pour façonner un internet ouvert et durable.

  2. Les acteurs et institutions liées aux politiques et à la régulation d’internet reconnaissent et régissent l’internet comme un bien public mondial.

  3. Les entreprises des secteurs de l’internet et des autres technologies numériques sont rendues responsables de faire respecter les droits humains et de protéger l’intérêt général.

Résultat 6 : L'action collective et l'activisme d'APC contribuent à la justice environnementale et à la préservation de la Terre, et atténuent les impacts environnementaux négatifs d'internet, des technologies numériques et de l'économie numérique.
Raisonnement/Définitions

Les racines d’APC sont ancrées dans les mouvements écologistes des années 1980 et 1990, et beaucoup de ses membres ont appelé une réponse forte du réseau à la crise écologique mondiale. Ces mouvements vont reprendre une place de premier plan au cours de la prochaine décennie alors qu’il devient de plus en plus clair que les gouvernements et les institutions internationales n’agiront probablement pas à temps pour éviter une catastrophe climatique. Les gouvernements et les puissants intérêts privés qui bénéficient d’activités causant des dommages écologiques répondront probablement en augmentant la surveillance d’internet, la censure et la propagande, à la fois directement et par la coopération avec les quelques entreprises qui gèrent la majeure partie des communications sur internet aujourd’hui.

La production et l’utilisation des technologies numériques vont probablement continuer à contribuer au réchauffement climatique proportionnellement à l’augmentation de leur part dans la consommation globale de matières premières (y compris les minerais générant des conflits), la production, la consommation énergétique et l’élimination et le recyclage des déchets. Le choix et l’utilisation des technologies numériques et les politiques guidant leur production, leur utilisation, leur élimination et la récupération des matières premières auront d’énormes répercussions sur la façon dont elles contribuent à la catastrophie climatique, mais aussi sur leur potentiel pour atténuer celle-ci. La crise écologique nécessite un changement drastique pour passer des modèles existant de conception, production, utilisation, élimination et recyclage à un modèle qui adopte une économie circulaire visant le zéro déchet et promouvant la réutilisation continue des ressources.

Une évaluation critique des répercussions de la soi-disant économie numérique ou intelligente sur les moyens de subsistance durable des commuautés est nécessaire. La vision portée par cette économie promeut le modèle mondialement insoutenable de croissance illimitée en suggérant que des innovations dites « intelligentes » vont, on ne sait comment, permettre à l’humanité de continuer à exploiter les ressources limitées de la Terre. Les objectfs de développement durable pour 2030 de l’Organisation des Nations unies [17] peuvent fournir un cadre exhaustif et légitime pour évaluer comment l’internet, la technologie numérique et l’économie numérique contribuent à la crise écologique mondiale, et de quelles manières elles peuvent être utilisées pour atténuer les dommages environnementaux.

APC est bien positionnée pour relier les savoirs académiques et activistes sur la façon d’utiliser l’internet et les technologies numériques pour s’adapter et combattre le réchauffement climatique. En se basant sur notre histoire qui a émergé des mouvements écologistes, et sur nos liens actuels avec eux, APC bénéficie de plusieurs décennies d’expérience d’une approche pratique de la technologie et de ses utilisations de façons durables et promouvant la justice sociale et environnementale et les droits humains.

Objectifs d’impact
  1. La capacité du réseau d’APC à agir contre la crise écologique solidairement au mouvement écologiste au sens large est renforcée.

  2. Les pratiques, modèles et systèmes durables écologiquement et socialement sont promus, développés et adoptés par le réseau d’APC.

  3. Les cadres des politiques et des régulations assurent que la répercussion environnementale des technologies numériques, depuis la production et le développement jusqu’à l’élimination des appareils faisant fonctionner et permettant d’interagir avec ces technologies, est mesurée, comprise et atténuée.

 

 

[13] Dans les plans stratégiques précédents d’APC, les domaines de résultats étaient nommés « domaines de résultats prioritaires ».
[14] Le réseau d’APC fait référence au personnel et aux membres d’APC ainsi qu’aux partenaires et réseaux avec qui nous travaillons collectivement. Les communautés font références aux collectifs et mouvements sociaux desquels nous faisons partie et avec lesquels nous collaborons.
[15] APC a proposé cela pour la première fois dans un papier par l’ITeM. https://www.apc.org/en/pubs/issue/financing-information-society-south-gl...
[16] David Kaye. Speech Police: The Global Struggle to Govern the Internet. Columbia Global Reports, 2019.
 
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