Mouvements à la base : les activistes écologistes d’Europe de l’Est entrent en politique

Par Pavel Antonov Éditeur APCNouvelles     SOFÍA,

Campagne Zelenite: Reclamons l'État pour les citoyens: Bulgaria's green party is growingCampagne Zelenite: Reclamons l‘État pour les citoyens: Bulgaria’s green party is growingLes nouvelles selon lesquelles l’agence nationale de sécurité de Bulgarie (DANS) a fait un raid sur les bureaux de l’agence forestière de l’Etat à Sofia en mars dernier a pris les écologistes par surprise. Ceci parce que les informations avaient laissé croire que les rapports produits par les « écologistes » étaient à la base de l’action de style hollywoodien menée dans le bâtiment baroque du ministère bulgare de l’agriculture.

En effet, les membres de la coalition «For the Nature» ont fait campagne pendant des mois contre la pratique non-transparente d’échanger des forêts moins chères contre des espaces verts appartenant à l’état, le long des côtes de la mer Noire et des hautes montagnes en vue de les transformer en sites de développement de construction. Mais les activistes ont eu du mal à croire que leurs appels répétés aux agences bulgares d’application des lois et au parlement, de même qu’à l’UE ont réellement marché. « Le DANS n’a jamais changé d’avis dans le passé », a expliqué Steven Avramov de la Fondation bulgare pour la biodiversité, qui a envoyé la liste de distribution de la coalition. Mais tout scepticisme mis à part, les écologistes durent accepter le fait qu’ils sont une fois encore arrivés au bon moment et à la bonne place pour renverser un autre Goliath qui violait les intérêts environnementaux publics. Et les communications par l’internet ont été l’élément catalyseur dans leurs mains.

Le public a déjà fait face à cela, avec les actions citoyennes spontanées contre les constructions touristiques dans les montagnes et sur la côte de la mer noire, s’étendant des salles de discussion d’internet et de la blogosphère aux rues de Sofia et d’autres villes importantes depuis 2007. Deux années plus tard, surfant sur les vagues de leur capacité redécouverte en terme d’impact sur l’agenda public, les activistes étaient prêts à réclamer leur part dans le système de représentation démocratique du pays et à briguer les élections avec leur propre parti politique dénommé Zelenite (les verts).

Les politiciens écologistes ont aussi le vent en poupe en Hongrie

Le mouvement vert bulgare n’est pas le seul à revendiquer des victoires sur le pouvoir politique. Suivant presque le même scénario, le mouvement vert hongrois a aussi lancé un nouveau parti politique dénommé La politique peut être différente (en hongrois : Lehet Más a Politika! ou LMP). Dans un spectaculaire élan de dernière minute, LMP s’est inscrit aux européennes du 7 juin, en coalition avec le syndicat humaniste hongrois.

Le nouveau parti s’est construit sur large mouvement public, qui a projeté l’ancien président de la cour constitutionnelle László Sólyom au poste de président en 2005 à la suite d’une manifestation populaire contre la construction d’une station radar de l’OTAN dans la zone protégé du mont Zengõ.

Si leurs racines communes dans le mouvement vert a constitué la première similitude frappante entre Zelenite à Sofia et le LMP à Budapest, leur utilisation de l’internet et des réseaux électroniques fut certainement la seconde. À commencer par l’importante présence de l’internet que les deux parties ont imposé pour répondre aux exigences formelles pour la participation aux élections dans leurs pays respectifs.

Avec l’appui de collectes de signatures et de dons d’argent en ligne, l’heureux dénouement avec l’inscription de dernière minute de Zelenite aux élections européennes n’était pas moins excitant. Et quoique les résultats de deux partis (2.6 pour cent des votes pour le LMP et seulement 0,72 pour Zelenite) n’étaient certainement pas à la mesure des grandes attentes et de l’enthousiasme de leur supporters, ils ont été interprétés par les analystes politiques comme une prétention perceptible pour une présence future dans les deux pays.

Campagne électronique en actionCampagne électronique en action Aussi bien Zelenite que le LMP ont fait une campagne agressive en ligne, visant améliorer leur profil et à consolider l’appui des jeunes électeurs bénéficiant d’un accès internet, a affirmé les représentants de Political Capital – un groupe de réflexion qui opère dans les deux pays. Pas surprenant, l’internet et les droits à la communication ont eu une place importante dans le programme de Zelenite. . La campagne du parti et l’élection ont présenté Bogo Shopov, une des figures de la lutte pour les droits à la communication électronique en Bulgarie. Cet aspect de la campagne a reflété une importante réaction publique contre la violation de la liberté d’expression, aussi bien en ligne que sous les formes traditionnelles par les institutions étatiques de même que contre les nouvelles politiques visant à établir la rétention de données.

Mais les similitudes ne se limitent pas à cela. Les deux partis ont mis sur leur listes électorales de visages jeunes, bien familiers au public en raison de leur passé d’activistes : des gens comme András Schiffer, un activiste de Védegylet depuis la campagne présidentielle de Sólyom, et Andrey Kovachev, le président de Balkani – Sofia et un vétéran des luttes des medias contre la construction des lobbyistes. Les activités de réseautage électronique, associés aux membres d’APC en Hongrie et en Bulgarie, étaient également activement impliquées. BlueLink avait à un certain point deux de ses membres dans le leadership de Zelenite, et sa présidente Natalia Dimitrova s’était présentée aux élections européennes sous les couleurs de Zelenite. En Hongrie, les membres de Green Spider s’étaient associés avec ELP depuis ses débuts.

La politique de l’écologie n’est pas du goût de tout le monde

Mais la transition vers la politique n’est pas du goût de tout le monde dans les rangs des activistes. Des groupes hongrois importants tels que HuMuSz, FoE Hungary et Nimfea ont choisi de ne pas s’impliquer formellement avec le parti, quoique certains de leurs membres et responsables en soient membres. Certains activistes craignent que la politique du parti gênera également leurs actions en Bulgarie. « Le parti draine trop de ressources et d’énergie du secteur activiste, et pourrait le laisser exsangue et sans cœur s’il échouait », a dit Ilian Iliev du Centre environnemental pour le développement durable à Varna en Bulgarie. Iliev, un autre fondateur de BlueLink et membre du conseil d’administration, a été un membre fondateur de Zelenite depuis ses débuts, mais a refusé de quitter la société civile pour se présenter aux élections.

Un tel scénario pessimiste n’est pas du tout improbable, a soutenu Petr Jehlicka, un chercheur en poste aux Royaume-Uni et travaillant sur les développements post-socialistes et de la société civile. Jehlicka a averti qu’une démarche similaire vers les politiques de parti en République tchèque au cours des dernières années s’est en réalité soldée par une perte de ressources humaines pour les ONG.

Mais Klara Hajdu, une chargée des politiques pour la biodiversité en poste auprès du réseau CEEweb for Biodiversity basé à Budapest, voit l’entrée en politique comme une étape naturelle pour le mouvement conservateur. « Nous avons des outils et les politiques pour contrer les pressions sur la biodiversité, mais ils ne peuvent pas gérer les racines complexes à la base de ses pressions, » a-t-elle admis. Les ONG ont atteint une limite pour relever ces défis, et ont besoin de s’engager dans la politique s’ils veulent aller de l’avant.

Définir l’orientation politique des nouveaux partis à base citoyenne pose d’autres problèmes. Alors que le LMP s’est défini lui-même comme un parti « environnemental social », le nouveau parti écologiste bulgare rechigne encore à s’associer avec tout ce qui contient le mot social. « Gauche ou droite – ce n’est pas ça le dilemme. Ce dont nous avons besoin est un bon monde – et ça c’est quelque chose de beaucoup plus grand qu’une géométrie politique », a écrit Petko Kovachev, co-président de Zelenite sur Facebook. Mais cela tient et certaines formulations pro-UE et pro-économie de marché soulèvent des doutes et d’âpres discussions au sein et à l’extérieur du parti. Beaucoup d’activistes réclamant un changement social radical pourrait être gênés par ces formulations et percevoir Zelenite juste comme une autre ramification politique néo-libérale, a commenté Jehlicka.

Photos: utilisées avec permission par Zelenite sur leur site Flickr et leur “site officiel”:http://www.zelenite.bg/english



« Retourner