Des organisations de la société civile internationale exhortent le gouvernement de la Colombie à cesser immédiatement la répression des manifestations et à garantir l’exercice des droits de la personne, y compris sur Internet

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En tant qu’organisations internationales et latino-américaines œuvrant à l’intersection des droits de la personne et de la technologie, nous rejetons avec fermeté la violente répression en Colombie contre la vaste mobilisation sociale déclenchée le 28 avril dernier. La militarisation dans les principales villes du pays et la répression brutale par les forces policières et militaires menacent directement les droits de la personne et le bien-être de la société civile de la Colombie.

L’État colombien est dans l’obligation d’adopter les mesures nécessaires pour garantir le droit à la liberté de réunion, d’association ainsi que le droit la liberté d’expression sur Internet et dans la rue.

Entre le 28 avril 2021, à 6 h, et le 4 mai 2021, à 8 h, des rapports pour la Colombie produits par Temblores ont recensé 1443 incidents de violence policière, 239 interventions violentes des forces de police, 56 rapports officiels faisant état de disparitions dans le cadre de mobilisations, 216 victimes de violences physiques perpétrées par la police, 21 victimes de blessures oculaires, 31 cas de violence homicidaire, 814 détentions arbitraires de manifestants, 77 cas de coups de feu et 10 cas d’agressions sexuelles par les forces policières.

Des témoignages de militant·es colombien·nes font aussi état d’une saisie d’appareils numériques, y compris d’équipements liés à la pratique journalistique, ainsi que de cas d’agressions contre des journalistes et des reporters indépendants. En plus de la militarisation et des abus perpétrés par la police et d’autres forces de sécurité, ces rapports sont préoccupants sur le plan de la protection des droits dans l’environnement numérique.

La Colombie a un passé trouble en ce qui concerne la surveillance injustifiée des communications qui, depuis quelques années, s’étend aussi à l’espace numérique. En 2020, un système de surveillance établi par les militaires afin de recueillir de renseignements sur des journalistes, des syndicalistes et des membres d’organisations à but non lucratif a été dénoncé. L’année dernière, on révélait les tentatives de la police visant à acquérir un logiciel pour surveiller le contenu et l’activité sur les médias sociaux.

Actuellement, des rapports font état du retrait injustifié de contenu affiché sur les médias sociaux en lien avec les manifestations, d’un blocage de la retransmission en direct et d’interventions suspectes sur certains comptes. Des organisations spécialisées ont également signalé des coupures d’Internet à Cali pendant les manifestations.

Des organisations de la Colombie ont déjà attiré l’attention sur l’urgence de respecter et de protéger les protestations sociales à l’intérieur et au moyen des espaces numériques dans le contexte de la grève nationale. Ces organisations se sont également engagées à aider les journalistes et les groupes de la société civile à protéger leurs sites web et leur sécurité numérique.

Divers instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, et qui ont été ratifiés par l’État colombien, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention américaine relative aux droits de l’homme, protègent le droit de manifester. Comme il a été reconnu par le Comité des droits de l’homme des Nations unies, ce droit s’applique aussi à l’espace numérique, car il sert de véhicule à l’expression publique et à la participation des citoyen·nes à une société démocratique.

Il est très important pour le peuple colombien de pouvoir utiliser les technologies numériques, en particulier l’Internet, pour coordonner ses actions sur le terrain, faire état des manifestations en temps réel, dénoncer les actes de violence perpétrés par la police, obtenir de l’information à partir de diverses sources, et être en mesure de communiquer pour protéger sa sécurité personnelle et obtenir un soutien, des soins médicaux et toute autre forme d’assistance. Aujourd’hui, toute forme d’intervention de l’État ou de toute autre entité privée qui vise à restreindre la libre circulation de l’information constitue une attaque directe à l’encontre du droit de manifester et d’autres droits connexes. Qui plus est, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, de millions de personnes dépendant des médias numériques pour s’informer.

Nous demandons donc au gouvernement de la Colombie :

  • De mettre fin à l’usage excessif de la force par la police et l’armée, de cesser la répression dans les grandes et petites villes du pays et d’assumer sa responsabilité de garantir le droit de manifester.

  • D’assurer la libre circulation de l’information et de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour permettre la couverture des manifestations, sans entraves, par les médias indépendants et les citoyen·nes.

  • De renforcer le droit de la société civile à utiliser les technologies numériques, en tant que véhicule à l’exercice de leur droit de manifester, y compris dans l’espace numérique.

  • De garantir que l’application de toute mesure exceptionnelle respecte les normes internationales et nationales en matière de droits de la personne et est conforme aux principes de proportionnalité, de nécessité et de non-discrimination.

  • De répondre à l’appel de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) et du Rapporteur spécial pour la liberté d’opinion et d’expression qui exige une enquête sur des événements au cours desquels des agents de sécurité de l’État ont fait un usage excessif de la force.

Nous exprimons notre sincère solidarité avec les militant·es, les défenseurs et les défenseuses des droits de la personne, les organisations et les autres membres de la société civile des différentes régions de la Colombie qui résistent et défendent la démocratie. Consterné·es que de telles atrocités se produisent encore, année après année, dans la région, nous poursuivrons nos efforts tant et aussi longtemps que l’ensemble des États d’Amérique latine auront assuré pleinement la protection des droits de toute la population.

Organisations signataires :

Access Now (Mondiale)

Aliance for Affordable Internet (A4AI) 

Alternatives (Canada)

AnarCoop, Tecnologías de la liberación (Mexique)

ARTICLE 19 (Mondiale)

Artículo 19 (Mexique et Amérique Centrale)

Artigo 19 (Brésil)

Asociación para una Ciudadanía Participativa (ACI Participa) (Honduras)

Asociación por los Derechos Civiles (Argentine)

Asociación Trinidad Comunicación, Cultura y Desarrollo (Paraguay)

Associació Pangea - Coordinadora Comunicació per a la Cooperació (Catalunya)

Association pour le progrès des communications (APC)

ASUTIC (Sénégal)

Awala

Body & Data (Népal)

BlueLink Foundation (Bulgaria)

Centre for Information Technology and Development (CITAD) (Nigéria)

Centro de Autonomía Digital (Équateur)

Código Sur (Costa Rica)

Coding Rights (Brésil)

Colnodo (Colombie)

Computer Aid (Royaume-Uni)

Conexo

Cooperativa Tierra Común (Mexique)

Creative Commons México

Datysoc - Laboratorio de Datos y Sociedad (Uruguay)

Derechos Digitales (Amérique Latine)

Digital Defenders Partnership (Mondiale)

Digital Rights Foundation

Digital Society of Africa

Electronic Frontier Foundation (EFF) (Mondiale)

eQualitie (Canada)

Espacio Público (Venezuela)

Fundación Acceso (Amérique Centrale)

Fundación Datos Protegidos

Fundación EsLaRed (Venezuela)

Fundación Huaira (Équateur)

Fundación InternetBolivia.org (Bolivia)

Fundación Karisma (Colombie)

GlobaLeaks (Global)

GreenNet (Royaume-Uni)

guifi.net (Espagne)

Hiperderecho (Pérou)

Humano Derecho

Instituto Brasileiro de Defesa do Consumidor (Idec) (Brésil)

Instituto para la Sociedad de la Información y Cuarta Revolución Industrial (Pérou)

Intervozes - Coletivo Brasil de Comunicação Social (Brésil)

IPANDETEC (Amérique Centrale)

ISUR-Centro de Internet y Sociedad de la Universidad del Rosario (Argentine)

JAAKLAC iniciativa

Jokkolabs Banjul (Gambie)

Kandoo

LaborNet (États-Unis)

LaLibre Tecnologías Comunitarias (Équateur)

Luchadoras (Mexique)

May First Movement Technology

Media Matters for Democracy (Pakistan)

Nodo TAU (Argentine)

Noís Radio (Colombie)

Nupef (Brésil)

ONG Amaranta (Chili)

Open Culture Foundation (Taiwan)

Open Observatory of Network Interference (OONI)

Platohedro (Colombie)

Privacy International (Mondiale)

R3D: Red en defensa de los derechos digitales (Mexique)

RedesAyuda (Venezuela)

Rhizomatica (Mexique)

SMEX (Liban)

Sulá Batsú (Costa Rica)

Surkuna Ecuador

Sursiendo, Comunicación y Cultura Digital (Mexique)

Taller de Comunicacion Mujer (Équateur)

Team CommUNITY

TEDIC (Paraguay)

The Tor Project

Web Foundation (Global)

Wikimedia Foundation (Global)

Wikimedia Argentina

WITNESS (Internationale)

Zenzeleni Networks (Afrique du Sud)

Signataires individuels :

Andrea Alvarez (Équateur)

Beatriz Busaniche (Argentine)

David Aragort (Venezuela)

Jennifer Brody (États-Unis)

Jonathan Finlay (Équateur)

Luis Serrano (Venezuela)

Luisina Ferrante (Argentine)

Melanio Escobar (Venezuela)

 

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