Communication rurale: faut-il encore des télécentres maintenant qu’il existe des téléphones mobiles?

Par Ian Howard Éditeur APCNouvelles     MONTEVIDEO,

Joseph SekikuJoseph SekikuSuite à la période initiale de pointe des projets de technologies de l’information et de la communication pour le développement (TICpD) en Afrique rurale, beaucoup n’ont pas produit le rendement escompté, et l’intérêt a commencé à diminuer. Les gens ont ensuite commencé à parler de projets «TIC durables », dans lesquels il était entendu que les projets deviendraient auto-suffisants après leur période initiale d’investissement par les bailleurs de fonds et de mise en place. Mais avec l’utilisation des téléphones mobiles qui gagne en popularité, un discours populaire s’était mis à remettre en cause la nécessité des TIC au-delà des téléphones mobiles. Alors que les téléphones mobiles ont eu un important impact dans les zones rurales, une nouvelle recherche menée par Ian Howard sur la demande d’APC, à travers l’analyse de deux études de cas, soutient que le besoin des télécentres et des connexions internet abordables existe, dans la mesure où de tels centres pourvoient aux besoins des marchés ruraux et de niche d’une manière que les compagnies plus larges ne peuvent se permettre.

Qu’est-ce qu’une TIC durable?

À partir de la fin des années 1990, l’utilisation des TIC dans le travail de développement international s’est beaucoup étendue. Cette expansion était en partie due à la disponibilité et la banalisation accrues des équipements TIC, à la simplification de l’utilisation et à l’appui des équipements, à l’accès amélioré à l’électricité, à plus d’internet abordable et à l’utilisation accrue des TIC par les bailleurs de fonds et les ONG eux-mêmes. Un certain nombre d’études par la Banque mondiale et d’autres organisations ont aussi affirmé l’importance de l’accès à l’information pour une meilleure santé et le bien-être social, et le rôle de la communication dans le développement économique. Déjà en 2004, presque tous les bailleurs de fonds et les ONG étaient impliqués dans une forme quelconque d’initiative de TICpD.

Malheureusement, cet intérêt est retombé depuis, parce que trop de projets avaient été mal exécutés pour de diverses raisons : adoption locale limitée, modèles économiques défectueux, formation inadéquate, et/ou utilisation d’équipements inadaptés. Du point de vue du bailleur de fonds, l’échec le plus important des initiatives de TICpD était l’incapacité de ces centres à perdurer sans l’intervention continue et l’appui financier des organisations de bailleurs de fonds. En d’autres termes, ils n’étaient pas durables.

En termes de TIC pour le développement rural, le terme durable tel qu’utilisé par le secteur de développement international, est le plus souvent décrit comme étant la capacité à maintenir la mise en œuvre au-delà de la période d’intervention. Elle est mesurée principalement par l’aptitude à demeurer économiquement viable, tout en offrant un bénéfice social ; par conséquent, une initiative des TIC durable exige une période d’incubation à court terme, mais est ensuite capable de faire entretenir ses frais de maintenance par les parties locales.

Malheureusement, de telles interventions à court terme ne conviennent pas bien aux initiatives à base de TIC, qui requièrent un appui opérationnel continuel, aussi bien en termes de conseils techniques que de financement. Par conséquent, comme les nombreux projets de TICpD ont atteint la fin de leur financement, les présomptions faites au préalable que les communautés locales prendraient la propriété et la responsabilité des initiatives se sont avérées erronées. Il y a de nombreux télécentres et « micro-telcos » rurales qui n’existent plus, ou qui ne fournissent qu’une part des services qu’ils offraient auparavant.

Internet contre téléphones mobiles : les TIC rurales sont-elles viables ?mobiles ou télécentres?mobiles ou télécentres?

Alors que plusieurs initiatives de TICpD en zones rurales n’ont pas donné les résultats escomptés, le téléphone mobile de lson côté tourne comme un gyrophare de succès, particulièrement sur le continent africain. Plusieurs endroits qui n’ont pas d’infrastructures de télécommunications, comme les zones rurales de la République démocratique du Congo, ont à présent des réseaux de téléphone mobile prospères. Ce succès est arrivé comme un résultat des changements de politiques face aux TIC et de nouvelles technologies adaptatives.

Un discours populaire suggère à présent qu’il n’y a pas besoin d’initiatives de TIC en zones rurales au delà des téléphones mobiles. Dans la mesure où plusieurs projets d’internet rural ont échoué et que les réseaux de téléphonie mobiles continuent de fleurir, plusieurs bailleurs de fonds ont abandonné leurs efforts dans les TICpD en zones rurales, laissant le développement des TIC largement aux compagnies de téléphonie mobile. Bien qu’il y ait certains mérites à cette décision, elle est cependant naïve.

Alors que les téléphones mobiles peuvent avoir un grand impact sur les vies des populations rurales dans les pays les moins développés (PMD), les initiatives TIC au niveau des communautés à la base peuvent remplir le fossé là où les grandes compagnies de téléphonie mobile ne peuvent pas. Ces nouvelles infrastructures de téléphonie mobile sont largement positionnées comme des oligopoles, protégées des menaces de nouveaux venus par des frais de permis élevés et les allocations de fréquence réservées. Alors qu’ils servent un large segment de la population et fournissent une forte base pour les TIC, ils sont hautement centralisés et hiérarchiques et donc, pas à même de servir les plus petits segments, les endroits isolés ou les intérêts non traditionnels ; ils ne peuvent non pas plus fournir des solutions locales et rurales spécifiques.

Bien que les téléphones mobiles soient un outil effectif pour la communication élémentaire et l’échange d’information, le besoin pour le développement des TIC pour la base demeure. Les solutions de téléphonie mobile sont dirigées du haut vers le bas, en comparaison des TIC à base d’internet qui sont du bas vers le haut, et qui peuvent efficacement servir des marchés plus petits et de niche. Par conséquent, le besoin pour une intervention continue dans les TICpD est peut être même plus fort qu’avant. Néanmoins, la question demeure : les initiatives des TIC rurales sont elles durables ?

Le besoin pour le sans fil existe-t-il toujours ?La demmande pour les télécentresLa demmande pour les télécentres

De plusieurs manières, il était attendu des réseaux sans fil qu’ils seraient l’innovation perturbatrice qui désarçonnerait les opérateurs historiques. Cela ne se réalisa pas au degré espéré, mais dans les pays où les bandes sans fil étaient autorisées, elles avaient entraîné la demande et persuadé les opérateurs historiques de répondre.

De la même façon que les téléphones permettant l’internet deviennent de plus en plus dominants, ainsi sera-t-il de la demande pour l’accès à l’internet à partir du téléphone et pour d’autres appareils utilisant l’internet. Cela prendra du temps dans ces marchés plus petits, particulièrement là où les opérateurs historiques ont peu de motivation pour fournir ces services moins lucratifs. Ainsi, le développement d’infrastructure autonome est encore requis afin de répondre aux besoins des communautés rurales. Plus encore, il doit y avoir aussi le développement de réseaux qui lient les données et les informations qui sont locales, régionales et nationales. Ceci assurera un accès plus grand, moins cher et plus facile à l’information et aux données qui présentent le plus important aux populations dans ces zones. Pour que ces donnés et ces informations soient cependant disponibles, elles doivent être générées – d’où l’importance des télécentres.

Le rôle des ONG et des bailleurs de fonds, d’un point de vue de marché libéral, est d’intervenir là où il y a perte de marché. Dans la mesure où le développement de cette information et de ces données plus locales sera probablement largement non commercial, il nécessitera de l’appui en vue d’éviter d’être victime de la perte de marchés.

Dans son rapport “ Observations on sustaining rural connectivity initiatives in lesser developed markets ”, Ian Howard analyse le cas de deux communautés rurales en Tanzanie qui illustre les TIC durables et justifie la nécessité d’une connectivité sans fil dans ces zones reculées. Le rapport fournit un aperçu sur comment construire des TIC rurales plus durables et rassemble des observations et recommandations pour les bailleurs de fonds et ceux qui doivent les mettre en application.

Cet article a été adapté de Possibilités infinies: Observations sur les initiatives de connectivité rurale viables dans les marchés moins développés par Ian Howard pour l’APC.

Photos par Ian Howard



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