Qui exercera le contrôle sur internet? Les négociations semblent aller dans le sens d'un forum multipartite et multilatéral

Des discussions très animées entre les gouvernements réunis à Tunisie au Sommet mondial sur la société de l’information semblent en arriver à des résultats qui pourraient changer considérablement le mode de gestion d’internet dans les prochaines années. Articles de APCNouvelles.

Depuis que le groupe de travail présidé par les Canadiens a rendu compte à la plénière du sous-comité A (celui qui traite de la gouvernance d’internet) au SMSI, il semble bien que l’on se rapproche d’un accord sur la nécessité de créer un Forum sur la gouvernance d’internet (FGI).

L’ambassadeur Khan, président désigné du sous-comité, a rédigé lundi un nouveau document demandant que le Secrétaire général des Nations Unies établisse un FGI. Tout ce qui concerne la surveillance a été abandonné dans le nouveau document de négociation, ce qui veut dire que les discussions sur l’avenir de l’ICANN, l’organisme américain qui contrôle le système internet actuel des noms de sites Web (domaines) et les ordinateurs centraux (serveurs racines) sont également laissées de côté pour le moment.

Trois groupes de travail ont consacré l’après-midi de lundi à débattre de la question du forum et de l’abandon éventuel des discussions sur le mécanisme de surveillance.

Les États-Unis, l’Australie et le Canada ont proposé que le FGI soit créé par la Internet Society , une association qui soutient les organismes spéciaux qui oeuvrent pour la croissance d’internet, ce qui voudrait dire que les Nations Unies n’auraient aucun rôle à jouer ni aucune compétence sur tout ce qui touche internet. Ces questions vont de la large bande, au contrôle des pourriels, en passant par la propriété intellectuelle, le commerce et l’e-commerce, la cybercrimimalité, la liberté d’expression, la sécurité d’internet, la participation des pays en développement à l‘élaboration des politiques sur internet, le système d’attribution des noms de domaine (DNS) et autres questions de politiques publiques.

Cette position a été renvoyée à un groupe de travail, présidé par Singapour, qui a convenu que le Secrétaire général des Nations Unies devrait établir un Forum sur la gouvernance d’internet selon un processus inclusif et ouvert.

Les groupes de l’Iran, du Brésil et de l’Afrique étaient davantage préoccupés par l’ICANN et ont soutenu qu’un organisme, qu’il soit transformé ou nouveau, devrait exercer des fonctions de surveillance.

L’UE, qui avait proposé un modèle coopératif pour la gestion du DNS et le root zone file au PrepCom 3 à Genève, en septembre 2005, a insisté pour que l’on ajoute un texte sur un renforcement futur de la coopération entre les gouvernements et toutes les autres parties prenantes (secteur privé, société civile et utilisateur final).

Il s’agit en fait de se servir des structures existantes pour permettre aux gouvernements, sur un pied d‘égalité, d’assumer leurs rôles et leurs responsabilités à l‘égard des questions de politiques publiques et non de s’occuper de la gestion quotidienne du DNS.

Mais -et il y a une nuance-l’UE a proposé que cette coopération soit fondée sur des principes applicables à l‘échelle mondiale sur la gestion et la coordination des ressources essentielles d’internet (noms et numéros …chasse gardée de l’ICANN actuellement). Ce processus devrait commencer à la fin du premier trimestre de 2006 et faire intervenir toutes les autres parties prenantes.

Les Européens proposent donc un accord cadre.

Lorsque la plénière s’est reformée, les États-Unis ont placé entre crochets la référence au Secrétaire Général en tant qu’initiateur du FGI, en riposte au paragraphe de l’Algérie disant que le FGI devrait avoir une fonction de surveillance. L’impasse a renvoyé tous les participants dans leurs hôtels en se demandant comment on pourrait en arriver à un engagement commun.

Ce matin, le sous-comité A s’est réuni et le président M. Khan a déclaré que personne ne voulait que le Sommet se termine sur un échec au sujet de la gouvernance d’internet. M. Khan a demandé également un maximum de collaboration au nom des gouvernements pour en arriver à un accord.

Le président à demandé aux États-Unis de retirer les crochets concernant le rôle du Secrétaire Général des Nations Unies dans la création du forum. Les diplomates américains ont répondu qu’ils ne le feraient que si on supprimait le paragraphe demandant la fonction de surveillance pour le forum.

L’Australie a ensuite demandé l’ajout d’un nouvel article. Elle a proposé que le Secrétaire Général consulte les organisations non gouvernementales (ONG) sur la création du forum. Il faut interpréter cette initiative comme une autre tentative de faire de l’ISOC le créateur du forum. Cette proposition n’a pas été retenue.

Le Brésil a carrément proposé que le Secrétaire Général réunisse la première réunion sur la création du FGI.

Cette suggestion a ouvert la voie à un accord conditionnel entre les gouvernements intéressés par cette question, ce qui a permis ensuite au président de supprimer les crochets.

" C’est un succès ", a déclaré Willie Currie, directeur du programme des politiques de la communication et de l’information d’APC, en sortant de la réunion plénière en milieu de la journée. " Cela veut dire que les questions que nous défendons [la création d’un FGI multipartite et multilatéral] sont sur le point d‘être concrétisées. C’est certainement le plus grand succès à cette étape des discussions, " à-t-il ajouté.

Bien que ce résumé ne soit qu’un instantané de l‘état actuel des négociations, c’est-à-dire que les positions peuvent encore changer, il devient de moins en moins probable que l’on revienne sur l’accord conditionnel sur le FGI.

" Cette évolution nous mène vers un nouvel espace dans lequel on peut discuter des enjeux. On admet également que cet espace sera probablement établi sous la bannière des Nations Unies et avec la participation de toutes les parties prenantes, " a fait remarquer Willie Currie. " Nous espérons finir avec un forum multipartite qui applique les principes de multilatéralisme, démocratie et transparence établis à Genève."

Le secrétaire général de l’UIT, M. Utsumi, a déclaré lors d’une conférence de presse cet après-midi que " 80% des objectifs du Sommet ont déjà été atteints […] Aucun pays ni aucun autre groupe contrôlant internet ne pleut plus prendre de décisions arbitraires ".

En ce moment, mardi après midi, des discussions se poursuivent au sein des groupes de travail. À 16 h, heure locale, tous les délégués assisteront à la réunion plénière du sous-comité A. Les résultats prévus pour la fin de la journée pourraient devenir le dernier chapitre sur la gouvernance d’internet pour les prochaines années. Restez à l‘écoute.

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