La régulation du contenu et le devoir de l'État de protéger les droits fondamentaux

À Rio de Janeiro, le 13 novembre 2007, s’est tenu lors du deuxième forum sur la gouvernance d’internet l’atelier intitulé «La régulation du contenu et le devoir de l‘État de protéger les droits fondamentaux», organisé par le Programme d’appui aux réseaux de femmes de l’Association pour le progrès des communications

À Rio de Janeiro, le 13 novembre 2007, s’est tenu lors du deuxième forum sur la gouvernance d’Internet (FGI) l’atelier intitulé «La régulation du contenu et le devoir de l‘État de protéger les droits fondamentaux», organisé par le Programme d’appui aux réseaux de femmes de l’Association pour le progrès des communications (PARF d’APC).

Cette discussion faisait suite à une réflexion entamée lors du premier forum sur la gouvernance d’internet, qui avait lieu à Athènes l’année dernière. L’atelier, aussi préparé par le PARF d’APC, s’intitulait « Réglementation du contenu dans une perspective sexospécifique et de développement ». Il était le seul inscrit à l’horaire portant sur la question du genre lors de l‘événement annuel.

L’approfondissement de l’analyse de la question cette année avait pour but notamment d’identifier des solutions afin de trouver un équilibre entre le thème de l’ouverture et celui de la sécurité dans le dossier de la régulation du contenu. Un autre objectif était d’augmenter l’engagement des bénéficiaires supposés et des « groupes vulnérables » dans les négociations portant sur ce qui constitue un contenu illégal et nocif, pour qui, qui devrait intervenir, de quelle manière et à quel niveau de contenu nocif. Un point central au sein de ce débat semble être le rôle des gouvernements et la reconnaissance du fait que les États ont le devoir de protéger les droits de tous à la liberté d’expression et d’information.

Il est difficile de s’entendre sur la définition d’un contenu nuisible ou illégal ainsi que sur le simple bien-fondé de la réglementation du contenu. Le but de ce débat était toutefois justement d’ouvrir le dialogue sur ces sujets et de chercher à établir conjointement des pistes de solution. Le contenu dit illégal et nuisible est de plus en plus cité comme justification à des interventions législatives, normatives et volontaires résultant en diverses conséquences pour les différentes parties prenantes, notamment en violant leurs droits à une liberté d’expression pleine et entière. Le débat continue d‘être dominé par la problématique de la pornographie infantile. Il ne faut toutefois pas perdre de vue d’autres aspects entourant l’utilisation et l’abus d’internet en tant qu’outil, qui ont tous deux un impact direct sur la vie et les droits des femmes, notamment. 

Le mouvement mondial des droits des femmes a émis au fil des ans un savoir significatif dans ce domaine, montrant comment, au sein de différents environnements culturels, les régulations de contenu affectent la liberté d’expression et l’accès à l’information. La suite logique de cette prise de conscience serait la transformation du paradigme de la « protection de ce qui est mal » à la « protection des libertés fondamentales d’expression et d’information ».

À la base, le but de cet atelier était primo d’interroger les perceptions des risques inhérents au réseau et de ce qu’est un contenu nuisible pour les usagers de tous les jours, dans le but de prioriser leurs perspectives sur l’utilisation et le mauvais usage d’Internet, spécialement les perspectives des groupes vulnérables, nommément les femmes et les jeunes filles. Secundo, l’atelier désirait comparer l’effectivité et les préférences des alternatives proposées, comme les actions pro-actives, les mécanismes et les outils. Tertio, la session voulait situer les rôles des gouvernements en relation avec les intérêts variés des différentes parties prenantes et aussi par rapport aux dimensions de leurs interventions au regard du droit à la liberté d’expression et de l’information des utilisateurs d’Internet à travers le monde.

Les membres du panel étaient, Malcom Hutty, du London Internet Exchange et de l’EuroISPA, Matthias Traimer, du comité de coordination sur  les médias et les nouveaux services de communication au Conseil européen, Adrianna Veloso, journaliste et documentariste brésilienne ainsi que Chat Ramilo, du projet «violence contre les femmes et technologies de l’information et des communications». Natasha Primo, de l’APC, était la modératrice de la session.

Namita Malhotra, de l’Alternative Law Forum, n’ayant malencontreusement pas pu venir au forum, la session a toutefois débuté par une vidéo de son cru d’une vingtaine de minutes. Toutefois, dû à des problèmes quant à la qualité du son, il fut décidé d’arrêter le visionnement et de plutôt résumer la note de recherche élaboré par madame Malhotra, question de mieux rendre son propos malgré son absence. Dans ce rapport, elle explique qu’il est ardu de s’entendre sur ce qui est pornographique ou non, et qu’il faut plutôt se demander qui se prononce à ce sujet et dans quel but. Elle souligne par ailleurs qu’une censure/régulation par l‘État sur le contenu pornographique ou obscène disponible en ligne est basé sur les standards de l’homme raisonnable pourrait mener à une réduction majeure de l’espace d’expression des femmes en rapport avec le sexe et la sexualité. Suite à quelques exemples pour illustrer son point, elle souligne dans ce rapport que la solution élaborée par le secteur privé, les logiciels filtrant le contenu, n’est pas effective, filtrant plus souvent qu’autrement le contenu jugé subversif ou contre le pouvoir politique en place que le contenu réellement pornographique… Madame Malhotra conclut son article en disant que l’on ne peut exagérer l’importance d‘être très prudent lorsqu’on souhaite adresser la nécessité de censure ou de régulation du contenu en ligne de nature sexuelle. Selon elle, le mouvement féministe doit passer outre son malaise avec les thèmes du corps et de la sexualité dans le but de prendre la place qui lui revient dans l’espace délibératif sur le sujet. Si un discours ne nous plaît pas à l‘ère de l’information, dit-elle, la seule manière de faire contre-poids est d‘émettre un autre discours et de s’exprimer aussi sur le sujet. Le mouvement des femmes doit donc élaborer ses propres représentations qui ne sont pas confinées au point de vue masculin sur la pornographie et qui font connaître la perversité de leurs propres désirs.

Matthias Traimer, du comité de coordination sur  les médias et les nouveaux services de communication au conseil européen, a débuté en faisant remarquer que le contenu illégal, par exemple la pornographie infantile, peut être plus ou moins facilement et entièrement contrôlé par les gouvernements. Le contenu nuisible est pour sa part un véritable défi politique. Comment les États peuvent décider quel contenu légal est nuisible ? C’est un sujet fort sensible, a-t-il souligné. L’intervention (contrairement à la régulation) faite par l‘État ne signifie pas nécessairement un processus essentiellement du haut vers le bas. Le régulation du contenu est un besoin pressant pour la société, a rajouté en guise de conclusion M. Traimer.

Malcom Hutty, du London Internet Exchange et de l’EuroISPA, était le suivant au micro. Il a mentionné que faire des fournisseurs de services Internet les filtres du contenu considéré inacceptable n’est pas une option envisageable. En fait, dans une optique de liberté d’expression et d’accès à la connaissance, faire de ces fournisseurs des régulateurs de contenu est peut-être encore plus dangereux que de donner ce droit de régulation aux États, de dire M. Hutty. Il s’est tout de même questionné sur le besoin de régulation en rapport avec la pornographie infantile, un cas extrêmement complexe. Il a enfin souligné, à l’instar de M. Traimer, qu’il importe de distinguer le contenu illégal du contenu nuisible. Il a conclu en disant qu’il importe, oui, de protéger les enfants, mais qu’il importe tout autant de préserver la liberté inhérente au cadre d’internet.

Adrianna Veloso, journaliste et documentariste brésilienne a été la suivante à s’exprimer. Elle a d’abord expliqué que la pornographie existe depuis toujours. Elle a continué en disant que le terme d’inclusion numérique comprend un sens de libération si l’on arrive à être inclus, ce qui est loin d‘être assuré, et c’est pourquoi elle préfère pour sa part le terme de fracture numérique. Elle a par la suite mentionné qu’internet, tout en ayant en son sein de nouvelles menaces pour les femmes et les enfants, à savoir les groupes dits vulnérables, permet aussi de nouveaux moyens pour ces groupes de s’exprimer et de réellement se faire entendre.

Après les discours des panélistes, la modératrice Natasha Primo a démontré sa volonté d’ouvrir le débat sur les alternatives existantes ou à créer en rapport à la régulation du contenu par les États. M. Traimer, répondant à une question du public, a mentionné que l‘État ne devrait pas s’occuper de la moralité, et donc de la régulation du contenu, mais que l‘éducation des enfants à propos des droits de la personne et des conséquences de la publication de contenu explicite sur internet est une alternative beaucoup plus valable. Aussi, suite à une question d’un membre de l’audience, Mme Ramilo a exprimé l’importance de distinguer le contenu à caractère violent disponible en ligne de celui à caractère sexuel, puisque le premier est déjà l’objet de conventions le régulant et l’interdisant formellement. Elle a aussi mentionné l’importance d’entendre la voix des femmes sur ce qu’est un contenu nuisible, au lieu de décider à leur place.

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