Être en DVB-T ou ne pas être en DVB-T ? Le comité Ghanéen doit prendre sa décision

Par LC Éditeur APCNouvelles     CALGARY,

2015 semble un temps suffisant pour que la transition de l’analogue au numérique de la radiodiffusion soit achevée. Mais au Ghana les choses ne bougent pas beaucoup selon l’expert en TIC et chercheur Tanko Mohammed dans son rapport pour la série sur la migration numérique en Afrique de l’Ouest d’APC..

« Un organisme, le Comité national technique pour la migration à la diffusion numérique, a été créé pour superviser la transition. Mais les membres du comité eux-mêmes ont des difficultés si bien que tout semble en être au point mort », dit Mohammed à APCNouvelles.

Le comité — créé pour émettre des recommandations quant à la stratégie et aux normes à suivre, notamment des modèles d’abonnement et l‘établissement des portions de spectre disponibles — doit encore se mettre d’accord pour choisir une norme de décodeur. Ils doivent trancher, soit pour une technologie moins chère et plus simple (la DVB-T) soit pour celle plus chère, qui a été adoptée en Europe (la DVB-T2), et qui éviterait aux Ghanéens de devoir éventuellement racheter un nouveau décodeur à l’avenir.

Un grand nombre de Ghanéens n’ont pas les moyens d’acheter ne serait-ce que la technologie la moins chère

Les nouveaux téléviseurs numériques conformes aux signaux plus simples de DVB-T coûtent environ 1000 USD. Les décodeurs pour le DVB-T, de 63 USD, sont bien moins chers, mais « dans les régions rurales, beaucoup n’ont même pas encore changé leur téléviseur en noir et blanc » indique Mohammed dans son rapport.

« Une grande proportion de la population ne pourra pas acheter les 6,6 millions de décodeurs dont le pays aurait besoin », écrit Mohammed. « Avec 6,1 personnes par foyer en moyenne, 1 070 604 foyers ne pourront se permettre d’acheter un décodeur à 50 USD. Même si le Ghana réussissait à terminer la transition à temps, beaucoup de gens se retrouveraient sans télévision ».

Mohammed suggère que le gouvernement subventionne les décodeurs. Le coût financier retomberait sur le gouvernement et le Ministère des communications avec des subventions de 54 millions USD, moins de un dollar par téléspectateur qui autrement serait perdu.

Les Ghanéens dans le noir

Pendant que le comité délibère sur quel décodeur utiliser, non seulement la transition est bloquée, mais les Ghanéens sont délibérément laissés dans le noir.

« Le comité ne veut pas informer la population trop rapidement sur la transition, pas tant que le décodeur n’est pas défini, mais un accord à ce sujet est nécessaire pour pouvoir faire avancer la migration », prévient Mohammed.

« Rien ne sert d’informer la population tant que personne ne sait quel décodeur utiliser. Si les gens commencent à acheter un DVB-T et que le comité se décide pour le DVB-T2, ils auront gaspillé leur argent pour rien », indique-t-il.

Investissements attendus pour une nouvelle infrastructure

Le bon côté, c’est que la transition obligera sûrement le gouvernement à investir dans une nouvelle infrastructure. Les signaux de télévision rejoignent actuellement environ 80% du pays et 70% des habitants. Il est prévu que la transition, dont on estime le coût à une fourchette de 25 à 100 millions USD, étende la couverture à des régions du pays sans signal en 2012 et qu’on envisage une politique d’accès universel pour la diffusion TV équivalente à celle en vigueur pour l’accès internet.

Que faire des déchets électroniques?

D’autres questions importantes de la transition sont moins discutées. Comment le Ghana compte-t-il gérer les déchets électroniques générés par la transition? Selon Mohammed, le comité ne voit pas trop comment éviter que les téléviseurs analogues obsolètes ne soient jetés – et que faire avec les déchets électroniques importés d’autres pays ayant terminé leur transition avant le Ghana, et qui y enverront leurs déchets pour qu’ils soient enterrés, comme ils le font déjà avec d’autres types d’équipements.

Les recherches menées par APC sur les déchets électroniques dans d’autres pays [en anglais] ont montré qu‘à moins que leur gestion ne soit spécifiquement mentionnée dans la politique, ils ne relèvent en général de la responsabilité de personne et sont enfouis ou repris par des recycleurs informels, au risque de contaminer les terres et engendrer des problèmes de santé à l’avenir.

Le Ghana réussira-t-il sa transition avant 2015?

Mohammed estime que 2015 est une date réaliste, mais que la transition pourrait s’avérer chaotique, réalisée à la dernière minute. « Il n’y a pas de sentiment d’urgence », regrette-t-il. « La transition demande beaucoup de travail et elle ne se fera pas en un jour ni en un an ». Le gouvernement pourra sans doute compléter la transition au numérique, mais savoir si la population pourra aussi la faire est une autre question.

Selon Mohammed, il faudra sans doute des années pour rattraper le retard et que la population puisse acheter un décodeur, et en attendant, les 6,6 millions de personnes sans décodeur seront probablement privées de télévision pendant plusieurs années.

« Mais chaque chose en son temps – le comité doit d’abord décider quel décodeur sera utilisé pour pouvoir avancer dans le processus, et en informer la population aussi vite que possible”, conclut-il.

Cet article a été écrit dans le cadre d’un projet d’APC sur la Migration numérique en Afrique de l’Ouest et se base sur le rapport de Tanko Mohammed, Rapport de recherche sur la migration de la diffusion numérique au Ghana, en Afrique de l’Ouest. [en anglais] Lisez d’autres rapports et articles sur la migration numérique en Afrique. .

Photo par Ben Sutherland. Utilisé avec permission sur la license Creative Commons 2.0



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