À lire absolument : L’internet, les droits humains et l’EPU

Par Joy Liddicoat Éditeur APC     Ginebra,

« …l’internet a transformé les mouvements pour les droits humains… des blogueurs et des défenseurs des droits humains qui exercent légitimement leur droit à la liberté d’expression continuent d‘être arbitrairement arrêtés, torturés et injustement emprisonnés sous prétexte de protéger la sécurité nationale ou de lutter contre le terrorisme. Certains ont vu leur vie menacée ou fait l’objet de condamnations à mort ».

« Nous sommes confrontés à des questions très complexes. Elles ne sont pas simplement de nature technique, mais ont des implications politiques profondes. Par conséquent, je tiens à souligner l’importance d’entreprendre une évaluation de l’impact des droits humains chaque fois que l’on débat des politiques de l’internet ». – Mme Navi Pillay, Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

L’accès internet est-il un droit humain?

L’accès internet est une question à multiples facettes, qui comprend notamment l’accès à l’infrastructure physique et l’accès au contenu. L’accès internet abordable et universel est loin d‘être une réalité. Alors que certains pays ont promulgué des lois qui garantissent cet accès, d’autres sont plus hésitants. Ils reconnaissent l’importance de l’internet pour le développement, mais sont réticents à le considérer comme un nouveau droit humain.

En 2011, le rapport annuel du Rapporteur spécial sur la liberté d’expression était consacré à l’internet. Le Rapporteur spécial n’a pas dit que l’accès internet était un droit humain. Il a plutôt souligné que les normes internationales actuelles en matière de droits humains obligent les États à prendre des mesures pour assurer l’accès internet pour tous. APC croit que l’internet, en raison du potentiel qu’il représente pour la démocratie, le développement et le partage des connaissances, est un bien public. Les gouvernements devraient prendre des mesures pour permettre un accès abordable pour tous, y compris l’accès au contenu dans les langues locales et l’accès des personnes handicapées.

S’agit-il de créer de nouveaux droits?

Non. Lors de la réunion du comité d’experts du Conseil des droits de l’homme et de la liberté d’expression et de l’internet, les États membres et les groupes de la société civile ont souligné que les mêmes droits humains qui s’appliquent hors ligne s’appliquent en ligne. Les défenseurs des droits humains demandent à tous les États de promouvoir et de protéger tous les droits humains et d’adopter une approche axée sur ces droits à l’égard de la gouvernance et de la réglementation de l’internet.

N’y a-t-il pas d’autres enjeux plus importants? N’est-ce pas simplement une question qui intéresse les pays développés?

Toutes les violations des droits humains sont importantes et des priorités doivent être fixées à la lumière de chaque contexte national. On doit également porter une attention particulière à des questions nouvelles que les groupes existants n’ont pas été en mesure d’étudier. L’internet est l’une de ces questions. Les violations des droits liés à l’internet peuvent aggraver les inégalités existantes et en créer de nouvelles. L’essor de l’accès internet dans les pays en développement fait en sorte que les internautes y sont plus nombreux que dans les pays développés. Les défenseurs des droits humains des pays en développement ont joué un rôle de premier plan pour que les questions liées à l’internet soient portées à l’attention du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Mais cela n’a rien à voir avec les femmes, n’est-ce-pas?

Si. Les groupes de la société civile au Brésil, par exemple, ont exprimé de sérieuses préoccupations au sujet des tentatives de certains groupes conservateurs de bloquer l’accès à l’information sur l’avortement. La difficulté vient du fait que l’information fournie par les groupes de la société civile et d’autres peut être considérée comme une violation du droit pénal car le Brésil possède l’une des lois sur l’avortement les plus restrictives au monde. Et en 2006, le rapport du Secrétaire général de l’ONU sur la violence faite aux femmes demandait une étude plus approfondie sur le rôle de l’internet et des téléphones mobiles dans le développement de certaines formes de violence. On constate de nouvelles formes de violence facilitées par la technologie, comme le cyberharcèlement, la surveillance numérique, la manipulation des renseignements personnels et des images et le harcèlement sexuel qui compromettent la sécurité des femmes. Il faut formuler des stratégies qui permettent aux femmes d’utiliser la technologie, y compris l’internet, pour réaliser toute la gamme de leurs droits humains, combattre la discrimination et se protéger contre la violence.

Les défenseurs des droits humains des femmes ont des preuves détaillées des violences faites aux femmes facilitées par la technologie et participent à l’Examen Périodique Universel (EPU) dans leur pays pour soulever ces questions et d’autres sur les droits des femmes dans le contexte de l’internet.

Quel est le rapport avec l’EPU?

Le Comité des droits de l’homme a affirmé que la liberté d’expression comprend l’expression sur l’internet. Les rapports de l’EPU doivent inclure les questions sur les droits humains liés à l’internet. Les droits humains et de l’internet sont renvoyés à d’autres activités des Nations Unies, notamment le Sommet mondial sur la société de l’information, la Déclaration de principes de Genève et le Forum sur la gouvernance de l’internet. Les rapports nationaux de l’EPU doivent également tenir compte des nouvelles évolutions.

Le Rapporteur spécial sur la liberté d’opinion et d’expression a appelé les États à :

  • Appliquer l’article 19 du PIDCP au moment de formuler des lois et des politiques sur l’internet
  • Veiller à ce que les limites imposées au contenu en ligne ne soient pas arbitraires ou illégales
  • Élaborer des plans d’action pour améliorer l’accès internet.

Que s’est-il passé pendant la treizième session de l’EPU (21 mai – 4 juin)?

Le vendredi 25 mai 2012, des défenseurs des droits humains du Brésil, de l’Équateur, de l’Inde, de l’Afrique du Sud et des Philippines ont appellé les États à:

  • Fixer des objectifs nationaux pour améliorer l’accès internet pour tous
  • Établir des processus de gouvernance de l’internet nationaux multipartites
  • Adopter une approche fondée sur les droits pour les lois et les politiques concernant l’internet
  • Veiller à ce que les stratégies et les lois sur la cybercriminalité se conforment aux normes sur les droits humains
  • Établir des indicateurs nationaux des droits humains liés à l’internet
  • Protéger et défendre les droits humains des femmes, notamment en s’attaquant à la violence faite aux femmes sur l’internet.

Branchez vos droits! Les droits de l’internet sont des droits humains http://rights.apc.org
Pour plus d’informations contactez Joy Liddicoat à joy@apc.org

Pour en savoir plus :
Entrevue de Mme Navi Pallay (en anglais) : http://www.ohchr.org/en/NewsEvents
Les droits humains des femmes et l’internet (en anglais): http://www.genderit.org



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